Projet de loi immigration

1. Adoption du projet de loi par le parlement

La commission mixte paritaire (CMP) réunissant 7 députés et 7 sénateurs, dont ma collègue Démocrate, Elodie Jacquier-Laforge, a débuté lundi 18 décembre, après que le vote d'une motion de rejet par les oppositions ait empêché un examen en séance publique à l'Assemblée nationale du texte issu de la commission des lois. En effet, seuls les commissaires aux Lois de l'Assemblée nationale avaient préalablement adopté un texte, fortement modifié vis-à-vis de la version adoptée par les sénateurs. Or, en raison du vote de la motion de rejet, la seule version du texte pouvant être discutée par les membres de la commission mixte paritaire (CMP) était celle du Sénat. 

Ainsi, pendant plusieurs heures, les membres de la CMP ont examiné chaque article avant de voter sur un texte final, et le texte, une nouvelle fois fortement modifié, a été adopté. La nouvelle version adoptée par la CMP revient davantage à celle votée par les sénateurs, à savoir un texte plus ferme que celui proposé par le Gouvernement initialement. C'est cette version qui a fait l'objet du vote des députés en séance mardi 19 décembre et qui a été adoptée. 

Les nouvelles modifications apportées se concentrent sur l'allongement des délais nécessaires pour les étrangers afin d'obtenir des prestations sociales. Un sujet qui a particulièrement crispé les membres de la CMP, étant donné que Les Républicains ont souhaité ajouté les APL dans la liste des prestation sociales. De fait, un étranger en situation irrégulière doit avoir résidé pendant 5 ans ou avoir 30 mois d'activité professionnelle pour toucher les allocations sociales et les prestations familiales. Pour les APL, il faut soit avoir déposer un visa étudiant, soit avoir trois mois d'activité professionnelle ou cinq ans de résidence.

Les membres de la CMP ont également ajouté l'obligation pour le Gouvernement de présenter et justifier chaque année des objectifs chiffrés en terme de quotas migratoires. Les conditions de travail pour les étrangers et d'études pour les étudiants ont été durcies avec le conditionnement du titre de séjour étudiant à une caution et au caractère "sérieux" des études suivies et la suppression du droit de travail immédiat pour certains demandeurs d'asile. 

Également, la CMP a supprimé l'automaticité du droit du sol en votant la nécessité pour un enfant né en France de parents étrangers de manifester sa volonté d'acquérir la nationalité française entre ses 16 et ses 18 ans. Les étrangers ayant été condamnés à une peine d'au moins six mois d'emprisonnement ne pourront pas demander la nationalité française. Aussi, la déchéance de nationalité pour les binationaux auteurs de crimes contre les forces de l'ordre est dorénavant possible. 

Deux avancées sociales ont néanmoins été adoptées :  l'interdiction de placement des mineurs en centre de rétention administrative ainsi que la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension. Pour cette dernière mesure, l'article concerné a une nouvelle fois été réécrit, donnant la possibilité au préfet d'accorder ou non les titres de séjours pour les étrangers travaillant dans des métiers en tension. 

Enfin, le Gouvernement s'est engagé à proposer un texte spécifiquement sur la réforme de Aide Médicale d'État. 

2. Pourquoi ce projet de loi ?

Initialement composé de 27 articles, le projet de loi pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration prévoit "conformément aux engagements du Président de la République d'importantes mesures pour renforcer l'intégration des immigrés, par la langue et le travail, lutter contre l'immigration clandestine et éloigner les étrangers dont la présence reste un menace à l'ordre public, réduire les délais d'examen des demandes d'asile et simplifier le contentieux des étrangers."

Une ambition forte affirmée par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, qui porte ce texte au nom du Gouvernement. La philosophie de ce projet de loi est de trouver un juste équilibre entre des mesures d'intégration et des mesures de fermeté pour lutter contre l'immigration illégale.

Après son examen par le Sénat, le texte a été fortement modifié avec l'ajout de 48 articles supplémentaires par la commission des lois et 39 nouveaux articles ajoutés en séance publique. Ces évolutions sont caractérisées par un durcissement des dispositifs et des outils initialement prévus dans le texte du Gouvernement. Parmi les principales modifications votées en commission par les sénateurs figurent la fixation de quotas migratoires, le durcissement des conditions d'accès au regroupement familial, le resserrement des critères d'inégibilité à la procédure applicable aux étrangers malades, l'expérimentation de l'instruction à 360° des demandes de titre de séjour, le remplacement de l'Aide Médicale d'État (AME) par l'Aide Médicale d'Urgence (AMU), la restriction des conditions d'acquisition de la nationalité pour les étrangers mineurs nés en France. 

Les sénateurs ont également fait évoluer le texte lors de son examen en séance publique, avec une nouvelle évolution des conditions du regroupement familial, de nouvelles précisions concernant l'applicabilité de l'AMU, la réécriture de l'article relatif à la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, le rétablissement du délit de séjour irrégulier, la suppression de l'automaticité du droit du sol.

3. Quelles sont les évolutions proposées ?

Les principales évolutions proposées en matière d'intégration : une extension des prérequis avant l'obtention d'un titre de séjour.

Un niveau de français nécessaire pour une première délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle est désormais acté par les sénateurs. Le niveau précis n'est pas encore défini, le Gouvernement  devra le préciser lors des débats parlementaires, puis par décret. À cela s'ajoute, la nécessité pour les parents étrangers de dispenser une éducation respectueuse des valeurs de la République. Un étranger ne pourra plus, également, procéder à plus de trois renouvellement consécutifs d'une carte de séjour temporaire pour un même motif. 

Les délais de mariage et de communauté de vie pour l'accès à la nationalité sont allongés à 5 ans, au lieu de 4 ans aujourd'hui. Une extension du délai de communauté de vie de 5 à 8 ans est également prévue lorsque l'étranger ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins 3 ans en France. 

Un nouvel article a été ajouté par le Sénat pour permettre à l'autorité publique de s'opposer à l'acquisition de la nationalité française par l'effet du droit du sol d'un étranger qui n'est manifestement pas assimilé à la communauté française. L'assimilation est considérée acquise par la connaissance suffisante du français, de l'histoire, de la culture, des droits et devoirs et de l'adhésion aux principes et valeurs de la République. 

Le projet de loi dédie un article entier aux mesures ayant pour objectif de mieux protéger les étrangers contre les employeurs abusifs avec la mise en place d'une amende sanctionnant les employeurs d'étrangers ne détenant pas un titre les autorisant à travailler. Les employeurs devront aussi participer activement à la formation au français de leurs salariés étrangers.

Pour finir, les menaces graves à l'ordre public deviennent un motif de non-renouvellement voire de retrait des titres de séjour. 

Les principales évolutions proposées en matière d'immigration : des mesures de fermeté pour lutter contre l'immigration irrégulière.

Les sénateurs ont renforcé les conditions d'accès au regroupement familial avec l'allongement du délais de séjour exigé de 18 à 24 mois pour qu'un étranger résident en France puisse formuler une demande de regroupement familial pour l'un de ses proches. Égalament,  le demandeur aura l'obligation de disposer d'une assurance maladie pour lui-même et les membres de sa famille et de disposer de ressources financières régulières. L'âge minimal dont doivent disposer un étranger et son conjoint pour pouvoir bénéficier du dispositif a été rehaussé à 21 ans au lieu de 18 ans et les APL ne sont plus prises en compte pour apprécier les ressources du demandeur. Pour finir, les bénéficiaires du regroupement familial doivent avoir un niveau minimum de français (A1). 

Un nouvel article vient élargir les conditions dans lesquelles il peut être refusé la délivrance ou le renouvellement et procédé au retrait d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle et en parallèle, un autre article du texte augmente la durée minimum d'un mariage entre un étranger et un ressortissant français pour obtenir une carte de résident de dix ans, passant à 5 ans au lieu de 3 ans. 

Certaines conditions de séjour pour les étudiants étrangers vont également être renforcées avec la nécessité de contrôler le caractère réel et sérieux des études ainsi que le dépôt d'un caution pour l'obtention d'un premier titre de séjour étudiant. 

Les sénateurs ont ajouté en séance un nouvel article pour rétablir le délit de séjour irrégulier, en le sanctionnant d'une peine d'amende. 

Le conditionnement de l'ouverture des droits aux prestations sociales non contributives à 5 ans de résidence stable et régulière. 


Les principales évolutions proposées en matière d'éloignement : 

Lorsqu'un étranger en situation régulière est défini comme une menace grave à l'ordre public, son éloignement est facilité, y compris lorsqu'il dispose de liens personnels et familiaux en France. À cela s'ajoute, la possibilité pour le juge de prononcer une obligation de quitter le territoire français (OQTF) contre des étrangers irréguliers y compris lorsqu'ils sont en France depuis longtemps ou qu'ils ont un conjoint français. 

La rétention des mineurs placés en centre de rétention administrative (CRA) a été interdite. Cette mesure répond à de nombreuses condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l'Homme en raison du non-respect de la Convention internationale des droits de l'enfant. 

Pour finir, des mesures ont été renforcées pour lutter contre l'immigration irrégulière comme le renforcement des sanctions en cas de refus de décliner son identité ou de se soumettre à une prise d'empreintes, la création d'un fichier des étrangers se déclarant mineurs et impliqués dans des infractions à la loi pénale, la création d'un régime d'assignation à résidence ou de placement en rétention du demandeur d'asile qui présente une menace à l'ordre public ou un risque de fuite. 

Les principales évolutions proposées en matière d'asile : 

Le projet de loi souhaite engager une réforme structurelle du système de l'asile avec la création de pôles territoriaux "France Asile". Ces pôles offriront aux demandeurs d'asile un parcours administratifs simplifié entre les différentes administrations compétentes. Cette création répond au manque de lisibilité pour l'usager demandant l'asile. Elle doit permettre une meilleure organisation du traitement des dossiers. L'OFPRA sera ainsi représenté dans les espaces France Asile pour prendre directement connaissance des dossiers dès l'enregistrement de la demande auprès des Préfectures. Ce dispositif sera mis en place progressivement. 

Également, la Cour nationale du droit d'asile est réformée afin de l'adapter à l'ampleur du contentieux et d'en renforcer son efficacité. Les délais de jugement sont conséquents alors même que la proportion d'affaires enregistrées augmente. Pour cela, le Gouvernement prévoit la création de chambres territoriales, la spécialisation des chambres, la modification du mode de désignation de certains membres des formations de jugement et le recours accru au juge unique. 

Pour finir, les règles du contentieux relatives à l'entrée, au séjour et à l'éloignement des étrangers sont simplifiées. Les contentieux des étrangers représentent 40% de l'activité des juridictions administratives, un nombre conséquent, que le Gouvernement souhaite diminuer en réduisant le nombre de procédures contentieuses applicables, en permettant la tenue de l'audience en dehors du tribunal administratif et le recours à la vidéo-audience. 

4. L'aide médicale d'Etat

  • Qu'est-ce que l'AME

L'aide médicale d'Etat est la descendante de l'aide médicale gratuite créée en 1893 permettant aux malades les plus pauvres de bénéficier d'un accès gratuit aux soins de santé. La loi du 27 juillet 1999 relative à la couverture maladie universelle a unifié tous les résidents de France dans une protection maladie universelle. En maintenant une exigence de régularité de séjour pour l'assurance maladie, elle a conduit le Gouvernement à maintenir en parallèle un dispositif d'aide médicale spécifique pour les étrangers en séjour irrégulier sur le territoire : l'AME.

En effet, elle permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins avec une prise en charge à 100% des soins médicaux hospitaliers, dans la limite des tarifs de la sécurité sociale et sans avance de frais. Accordée pour un an sous condition, son renouvellement doit être demandé chaque année. Les demandeurs d’asile ne peuvent pas bénéficier de l’AME mais bénéficient toutefois de la protection universelle maladie (PUMA) après trois mois de résidence en France. Pendant ces trois mois, ils peuvent être pris en charge au titre du dispositif des soins urgents, s’ils bénéficient d’une attestation de demande d’asile (ADA) justifiant de leur situation régulière sur le territoire. 

L'AME est ainsi définit à l'article L251-1 du code de l'action sociale et des familles qui en donne les conditions d'octroi : 

  1.  Condition de résidence : Résider en France depuis plus de trois mois de manière ininterrompue 
  2. Condition de ressources : Percevoir des ressources annuelles ne dépassant pas certains plafonds (moins de 9 700 euros / an pour une personne seule). Les ressources prises en compte sont celles des 12 derniers mois.
  3. Ne pas avoir de titre de séjour de plus de trois mois.   
L'AME se décompose par ailleurs en trois dispositifs : 

  1. L'AME de droit commun : elle permet l'accès à des soins préventifs mais aussi curatifs des étrangers démunis et en situation irrégulière ne pouvant être pris en charge par la PUMA. Elle est gérée par le régime général de l'assurance maladie. Son montant est estimé à 1,1 milliards d'euros pour 2024 (soit 92% des crédits) 
  2. Les soins urgents : il s'agit majoritairement des soins hospitaliers, dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou conduirait à une altération grave de la santé, pour les étrangers présents de manière irrégulière sur le territoire depuis moins de trois mois. Son montant est estimé à 70 millions d'euros. 
  3. L'AME humanitaire et l'AME des gardés à vue. La première permet la prise en charge des soins ponctuels en France de personnes Françaises ou étrangères ne résidant pas en France ainsi que la prise en charge des médicaments prescrits aux étrangers placés en rétention administrative. La seconde permet la prise en charge des frais pharmaceutiques et des soins infirmiers des gardés à vue. Son montant est estimé à 1 million d'euros. 
L'AME répond ainsi à un principe éthique et humanitaire d'une part mais aussi à un objectif de santé publique et de pertinence de la dépense d'autre part. 

  • Les bénéficiaires de l'AME 

Les bénéficiaires de l'AME ont augmenté de 128% en 10 ans. Au 1er janvier 2023, 411 364 personnes en bénéficient. Mais dans le même temps, la population française a augmenté elle aussi de 10% pour atteindre 68 millions d'habitants. . 

Le bénéficiaire type de l'AME est une homme entre 30 et 34 ans et plus des deux tiers des bénéficiaires ont moins de 40 ans. La part des mineurs dans l'ensemble des personnes prises en charge s'élève à 25%. 

Plus de la moitié des bénéficiaires de l'AME sont rattachés à une caisse primaire d'assurance maladie d'Ile de France : la CPAM de Paris concentre 21% de la dépense totale et celle de Bobigny 10%. 

La direction de la sécurité sociale indique ne pas être en mesure d'estimer avec précision le taux de non-recours à l'AME. Toutefois, une enquête réalisée sous l'égide de l'Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES) en 2019 permet d'estimer que ce taux de non recours s'élèverait à 50%. 

Selon la députée Valérie Louwagie, auteure du rapport "Le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière" et rapporteur de la mission santé pour le projet de loi de finances, la durée moyenne de prise en charge s'élèverait à 3,5 ans (estimation proposée avec la Caisse nationale d'assurance maladie). 

  • Le coût de l'AME 

Les dépenses au titre de l'AME s'élèvent à 1,2 milliards d'euros par an, soit environ 0,5% des dépenses de l'assurance maladie, ce qui représente un coût de moins de 3 000 euros par bénéficiaire. 

Les deux tiers des crédits de l'AME sont alloués à des soins réalisés à l'hôpital. Plus de 25% des séjours concernent les femmes enceintes, 15% l'hépatologie-gastro-entérologie et 13% la pneumologie. L'autre tiers des dépenses est alloué à la médecine de ville, autrement dit, en dehors de l'hôpital. 

  • Le contrôle de l'AME 

Les dépenses de l'AME font partie des plus contrôlées de l'Etat. 

La lutte contre la fraude et les abus sont indispensables. C'est pourquoi, les contrôles ont été renforcés depuis 2017. C'est ainsi qu'en 2023, les agents comptables ont contrôlé 14% des dossiers, contre 10% en 2018. Ces contrôles visent tant l'attribution du droit à l'AME que l'utilisation de l'AME, notamment au travers de contrôles ciblés en cas de consommation de soins présentant des montants élevés ou des anomalies. 

  • L'aide médicale d'urgence 

En commission puis en séance le 7 novembre dernier, les Sénateurs ont adopté un amendement visant à remplacer l’AME par une aide médicale d’urgence (AMU), dénonçant l'augmentation régulière du montant de l'AME. L’objectif de cette AMU est d’être centrée sur la prise en charge des situations les plus graves et sous réserve du paiement d’un droit de timbre, avec une faculté ouverte pour le ministre responsable d’accorder l’AMU par décision individuelle afin de pouvoir répondre aux situations exceptionnelles.

Certes l'AME nécessite peut-être d'être repensée, raison pour laquelle la Première ministre a demandé à Claude Évin et Patrick Stefanini un rapport sur celle-ci. Pour autant, la disparition de l'AME telle qu'elle existe aujourd'hui et son remplacement pur et simple par l'AMU ne permettrait de durablement faire baisser les coûts liés à la prise en charge des personnes en situation irrégulière. Au contraire, cela créerait même un surcoût à terme : les pathologies traitées trop tardivement entraineraient un recours aux soins d'urgence plus couteux, avec souvent une nécessité d'hospitaliser la personne. La logique est la même avec le recours au droit de timbre. Il avait déjà été instauré sous Nicolas Sarkozy, et s'il avait effectivement fait baisser les coûts, un rapport parlementaire de 2015 avait établi que cela avait entrainé in fine une hausse de la dépense à cause des bénéficiaires qui se soignaient trop tardivement. 

L'AMU a été supprimée dans le texte retenu par la CMP et adopté par l'Assemblée nationale. La première ministre s'est engagé à proposer un texte spécifique sur la réforme de l'AME. 

5. Les métiers en tension

  • La Circulaire Valls

L'une des promesses de campagne de François Hollande était celle d'une meilleure définition de la régularisation  des étrangers en situation irrégulière avec des critères clairs et objectifs afin, selon lui, de mettre un terme à l'arbitraire des préfectures. Présentée en conseil des ministre par Manuel Valls, alors Premier ministre, cette circulaire avait ainsi pour objet de rappeler et de préciser les critères permettant d'apprécier une demande d'admission au séjour des ressortissants étrangers en situation irrégulière afin que leur soit délivré un titre de séjour "vie privée et familiale", "salarié" ou encore "travailleur temporaire". 

Cette circulaire précise donc, entre autres, la procédure exceptionnelle d'admission des articles L435-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) encadrant la régularisation par le travail des ressortissants étrangers présents irrégulièrement sur le territoire national et "dont l'admission répond à des considérations humanitaires ou se justifient au regard des motifs exceptionnels" ; le salariat figurant parmi ces motifs exceptionnels. 

Sous une double condition de durée de présence et de durée d'activité salariée, ces ressortissants étrangers en situation irrégulière peuvent solliciter un titre de séjour "salarié" ou "travailleur temporaire" sans que ne leur soit demandé un visa d'entrée. 

6 cas de figure sont ainsi envisagés : 

  1. L'étranger sans papier justifiant de trois ans de présence en France devra justifier d'une activité professionnelle en France d'au moins 2 ans dont 8 mois consécutifs ou non dans les 12 derniers mois avant le dépôt de la demande  et d'un contrat de travail ou d'une promesse d'embauche. 
  2. L'étranger sans papier justifiant d'au moins 5 ans de présence en France devra aussi justifier d'une activité professionnelle en France soit d'au moins 8 mois sur les 2 dernières années soit de 30 mois consécutifs ou non sur les 5 dernières années. Il devrai en outre justifier d'un contrat de travail ou d'une promesse d'embauche. 
  3. L'étranger sans papier justifiant d'au moins 7 ans de présence en France. Selon la circulaire, une présence de 7 ans ou plus en France caractérise une durée de présence significative, justifiant de conditions plus souples lors de la demande de titre de séjour. Le ressortissant sans papier n'aura alors pas besoin de justifier d'un contrat de travail ou d'une promesse d'embauche. Il lui reviendra uniquement de justifier d'une activité professionnelle de 12 mois consécutifs ou non sur les trois dernières années. 
  4. L'étranger sans papier qui exerce une activité en tant qu'intérimaire devra justifier d'une présence d'au moins 5 ans en France. Il devra en outre justifier, avec des bulletins de salaire, d'une activité salariée sur les 2 dernières années, équivalent à au moins 12 SMIC mensuels et comportant au moins 910 heures de travail dans l'intérim dont au moins 310 heures dans l'entreprise de travail temporaire (ETT) associée à la demande de régularisation. Il devra enfin justifier d'une durée minimale d'emploi de 12 mois soit sous la forme d'un CDI ou d'un CDD d'au moins 12 mois soit de l'engagement d'une ETT à fournir un volume de travail garantissant un cumul de 8 mois de travail sur les 12 prochains mois. 
  5. L'étranger sans papier qui participe à une activité d'économie solidaire justifiant d'une durée de présence en France d'au moins 5 ans et d'une activité d'au moins 12 mois au sein de cet organisme d'économie sociale et solidaire. Il devra en plus justifier d'un contrat de travail ou d'une promesse d'embauche. 
  6. L'étranger sans papiers qui justifie d'un cumul de contrats de faible durée (comme les employés à domicile) devra justifier d'une durée de présence d'au moins 5 ans en France ainsi que de 8 mois d'activité sur les 24 derniers mois ou de 30 mois d'activité sur les 5 dernières années. 
Et en tout état de cause, cette procédure de régularisation nécessite la production par le ressortissant étranger de preuves de son investissement professionnel, notamment à travers un formulaire CERFA rempli par l'employeur et des bulletins de salaire. Cette régularisation suppose donc un acte positif de le part de l'employeur. 

  • Création d'un titre de séjour "Métiers en tension"

Selon une enquête "besoin de main d'oeuvre 2022" réalisée par Pôle Emploi, les entreprises considèrent que 58% des recrutements sont "difficiles", étant entendu que dans 86% des cas, elles invoquent le manque de candidats. L'enquête liste ainsi 10 métiers où le taux de difficulté est le plus élevé parmi lesquels les aides à domiciles, les infirmiers, les mécaniciens, les couvreurs, les conducteurs de transport en commun. Avec un taux de difficulté en augmentation de 53% en cinq, c'est le métier d'infirmier pour lequel cela est le plus visible. 

La création de cette nouvelle carte de séjour permettrait : 

- De "compléter le dispositif d’admission exceptionnelle au séjour en ouvrant la voie d’accès au séjour à la seule initiative des ressortissants étrangers présents irrégulièrement sur le territoire national tout en renforçant l’articulation entre les besoins de mains d’œuvre identifiés dans certains métiers ou zones géographiques et l’accès au séjour par le travail".  

- De réorienter une partie des flux de l'admission vers cette carte de séjour 

- De renforcer l'action publique en matière de prévention et de répression des atteintes à l'ordre public social par certains employeurs, par le contrôle et la vérification de la situation de l'employeur et son respect par le code du travail. 

Cette carte serait délivrée sous réserve de deux conditions : 
  1. Preuve d'une ancienneté de résidence sur le territoire : justifier d'une résidence ininterrompue d'au moins trois ans sur le territoire ;
  2. Preuve d'une expérience professionnelle salariée dans un emploi figurant sur la liste des métiers en tension et des zones géographiques en tension définis à l’article L414-13 CESEDA durant au moins 8 mois, consécutifs ou non, sur les 24 derniers mois. 
S’il remplit ces conditions, inscrites dans la loi, le ressortissant étranger en situation irrégulière pourrait de facto se voir délivrer une carte de séjour temporaire « travail dans des métiers en tension » d’une durée d’un an valant autorisation de travail pour l’activité professionnelle ayant justifiée sa délivrance.  

  • Dispositif adopté par le Sénat 

En séance, les sénateurs ont supprimé l'article 3 portant sur la création de ce nouveau titre et ont fait adopter un nouvel article 4 bis durcissant les conditions de régularisation par le travail dans les métiers en tension. Selon eux, l’article 3 tel que proposé par le gouvernement créerait une prime à la fraude et une incitation à l’immigration irrégulière sur le territoire français. Les sénateurs ont ainsi fait le choix d’une régularisation au cas par cas, dont le pouvoir décisionnaire in fine est entre les mains du préfet.  

Les conditions pour demander une régularisation seraient donc les suivantes :

- Preuve d’une expérience professionnelle :Pour pouvoir demander une régularisation, le ressortissant étranger devra exercer un emploi en tension pendant au moins 12 mois, consécutifs ou non, sur les deux dernières années (contre 8 mois dans le texte initial). Il devra avoir exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement. De plus, il devra occuper cet emploi au moment de sa demande 

- Preuve d’une ancienneté de résidence sur le territoire : justifier de sa résidence en France pendant au moins 3 années consécutives. 

- Intervention du Préfet : La délivrance de la carte de séjour est en plus conditionnée à la vérification par le préfet auprès de l’employeur de la réalité de ce travail. Le préfet devra aussi contrôle l’insertion sociale de l’étranger, son intégration à la société française, à ses modes de vie et à ses valeurs, son respect de l’ordre public et son adhésion aux principes de la République.