Le projet de réforme des retraites

1. Comment fonctionne notre régime de retraite ?

Un système par répartition 

La réforme des retraites est un sujet qui cristallise depuis de nombreuses années la société publique sans qu'un accord commun ne soit trouvé : pour certains, il est urgent de réformer ce système, pour d'autres, l'urgence est un leurre, un outil politique. En parallèle, plusieurs instances d'expertise produisent régulièrement des rapports pour alimenter la réflexion au risque parfois de complexifier la situation au regard de la technicité du sujet. 

Ainsi, il est souvent difficile de s'y retrouver pour se forger une opinion : Selon une étude réalisée par Fondapol en 2018, 59% des français se disaient mal informés sur le sujet. 

Créé en 1945 et inspiré du programme du Conseil National de la Résistance, le système de retraite français fonctionne par répartition. Le principe de la répartition est un principe d’équilibre qui, en temps réel, met le paiement des pensions de retraite à la charge des actifs qui les financent par leurs cotisations. Toujours selon l'étude de Fondapol, 63% des Français sont attachés au principe de la répartition.  

Pour autant, ce système de répartition est en pratique seulement pour une part des pensions versées car pour atteindre l'équilibre sur l'ensemble des 42 régimes de retraites, c'est à l'État de compenser et d'assurer l'équilibre. En effet, il existe un premier "bloc" de recettes pour les retraites issues des cotisations des employeurs, des compensations décidées dans le cadre de politique de soutien économique ou encore des apports aux caisses de retraites pour les dépenses de solidarités. Néanmoins, ce premier "bloc" ne couvre pas l'ensemble des besoins de financement. 
A titre d'exemple : Pour leurs fonctions publiques, l’État et les collectivités territoriales ou les hôpitaux, assument en effet des sur-cotisations en moyenne presque trois fois plus élevées que pour les employeurs du reste de l’économie française : 30,6 % pour les fonctionnaires des collectivités locales ou des hôpitaux, 74,3 % pour les fonctionnaires civils de l’État, 126,1 % pour les militaires.

Globalement notre protection vieillesse obligatoire est en fait en déficit structurel important. Or tout montre que les perspectives démographiques risquent d’aggraver encore cette situation dans les quinze prochaines années.

Le financement du système 

Selon le Conseil d'orientation des retraites (COR), les dépenses, correspondant aux pensions versées aux retraités en 2021 se sont élevées à 345,1 milliards d'euros. Les recettes ont été de 346 milliards d'euros et proviennent de 4 sources :
  • Les cotisations retraites (employeurs et salariés public/privé)  ainsi que les sur-cotisations versées par les collectivités en tant qu'employeur ;
  • Les transferts  provenant d'organismes sociaux extérieurs, comme la Caisse nationale d'allocations familiales;  
  • Les recettes fiscales que l'État affecte aux régimes de retraite, comme la contribution social généralisée (CSG);
  • Les subventions que l’État accorde sur son budget pour couvrir des exonérations de cotisations retraites des employeurs et salariés privés;
  • Les subventions d’équilibre à destination des régimes spéciaux, destinées à couvrir leur déficit structurel, provenant d’un fort déséquilibre entre cotisants et retraités.
Ces données montrent que les collectivités publiques (organismes sociaux compris) assurent 41 % du financement des régimes de retraites (143 Md€). Au-delà des cotisations au taux de droit commun qu’elles versent, les collectivités publiques contribuent au système des retraites à hauteur de 119 Md€, soit 34 % du total. Les cotisations retraite des employeurs et des salariés (publics et privés) au taux de droit commun ne couvriraient que 2/3 des pensions versées. 
La contribution financière de l’État et des autres collectivités publiques aux régimes de retraite répond à plusieurs objectifs. L’État verse d’abord les cotisations retraites de ses fonctionnaires, ainsi que le ferait tout employeur du secteur privé. Mais les concours financiers qu’il accorde visent aussi à financer des mesures de solidarité, des mesures de compétitivité et à assurer l’équilibre de certains régimes.

Par conséquent, aujourd'hui le déficit s'explique par la situation démographique défavorable que connaissent les régimes de la fonction publique : on compte 0,9 cotisants pour 1 bénéficiaire dans le régime de la fonction publique d’État. En revanche, la fonction publique territoriale et hospitalière connaît une meilleure situation démographique : en 2021, on y comptait 1,5 cotisants pour 1 bénéficiaire. Ces chiffres sont à comparer avec ceux du régime général du privé et de l’ensemble des régimes (1,7 cotisants pour 1 bénéficiaire dans les deux cas).

2. Quel avenir pour notre système ?

Pour envisager l'évolution de l'équilibre financier des régimes de retraite, il faut prendre en compte trois facteurs : le taux de chômage, les gains de productivité du travail et les évolutions démographiques. 

Le taux de chômage est une donnée importante, parce que le montant des cotisations dépend du nombre d’actifs ; les gains de productivité du travail sont aussi cruciaux parce qu’ils se répercutent sur l’augmentation des salaires et donc des cotisations. Les prévisions du COR, sur ces deux sujets, sont les suivantes : en matière de chômage, le COR fait l’hypothèse qu’il sera de 7 % de la population active entre 2032 et 2070. Cette hypothèse vaut si la période mentionnée n'est pas traversée par des crises économiques majeures comme celle de 2008. En matière de productivité, le scénario retenu est une augmentation de 1% en moyenne. Une productivité qui augmente mais on enregistre une baisse tendancielle qui peut être comblée par le recours au numérique, l'amélioration de la formation et aussi par une politique de réindustrialisation. Concernant l'avenir démographique de notre pays, le COR prédit que le ratio entre le nombre de cotisants et de bénéficiares va se détériorer notamment pour le régime de base. En revanche, il va continuer à se détériorer pour les régimes de la fonction publique jusqu'en 2033 avant de s'améliorer. 

Ainsi, à court terme, le déficit des régimes de retraite va continuer à se dégrader alors même que l'État devrait continuer à financer et le compenser.

3. Quelles solutions pour améliorer le système ?

Le report de l'âge légal du départ à la retraite, qui cristallise les débats, est selon le Haut commissariat au Plan "un puissant levier  d'amélioration de l'équilibre financier des régimes de retraites."

Selon le COR, avec un chômage à 7 % et un gain annuel de productivité d’1 % (tous deux perfectibles), le système des retraites serait à l’équilibre en 2032 (dans le scénario d’un « équilibre permanent des régimes ») si l’âge moyen de départ était porté à 64,2 ans. La Direction générale du Trésor a, quant à elle, calculé qu’un report de deux ans de l’âge d’ouverture des droits (soit 64 ans) générerait entre 0,4 % et 0,9 % du PIB d’ici 2042, soit entre 10 et 20 milliards d'euros. Ce montant correspond environ au tiers du besoin de financement annuel moyen d’ici 2047 estimé ci-dessus.

D'autres pistes peuvent être envisagées également. 

La hausse du nombre d’actifs augmente mécaniquement la somme des cotisations de retraite, puisque les cotisations de retraite sont en proportion des salaires versés. En 2021, la France comptait 28,5 millions d’emplois et le montant total des cotisations versées au système des retraites (hors sur-cotisations) se montait à 227 milliards d'euros. Si notre pays approchait du plein emploi, (un million et demi d’emplois supplémentaires), cela produirait quelque 10 milliards d'euros de cotisations supplémentaires, soit de l’ordre de 20 % du besoin de financement annuel moyen d’ici 2047. Aussi, Pour obtenir les ressources nécessaires pour couvrir une autre part du besoin de financement annuel moyen (de l’ordre de 0,2 % du PIB), l’objectif devrait être de passer à un taux annuel moyen de gain de productivité de 1,3 % par an. Cette ambition n’est pas inatteignable mais requiert de mettre en oeuvre les leviers mis en avant par le Conseil national de la productivité.

4. Point sur la réforme

La réforme des retraites a été présentée par la Première ministre mardi 10 janvier 2023, lors d'une conférence de presse. Vous pouvez retrouver le dossier de presse de la réforme ici

Le texte de loi est présenté le 23 janvier en Conseil des ministres et son examen par l'Assemblée nationale débutera fin janvier en commission des Finances et en commission des Affaires sociales. Une fois le texte examiné et amendé par les députés en commission, il est débattu à l'Assemblée nationale, puis au Sénat en première lecture. 

Une commission mixte paritaire (CMP) a été mise en place et a eu lieu le mercredi 15 mars 2023. Cet CMP est composée de 7 sénateurs et 7 députés. Ils ont pour objectif de définir ensemble le texte final qui fera l'objet d'un vote à l'Assemblée et au Sénat. 

Retrouvez ici ce que contient le projet de loi réformant le système de retraites.