Lutter contre le dumping social

1. Qu'est-ce que le dumping social ?

Le dumping social est un terme dérivé de la pratique du dumping qui consiste à vendre des biens et des services sur les marchés extérieurs à des prix inférieurs à ceux du marché national, voir même inférieurs au prix de revient. Le dumping social est une pratique qui consiste quant à elle à abaisser les coûts de production en diminuant le coût de la main d'oeuvre. Pour cela, les entreprises profitent des différences entre les pays, notamment en matière de droit social. Les travailleurs peu protégés par les lois de leur pays n'ont pas ou peu d'acquis sociaux et ont une rémunération bien moindre.

2. Pourquoi cette loi ?

Cette pratique est dénoncée dans plusieurs pays comme le Royaume-Uni, l'une des cibles et est revenue sur le devant de la scène en mars 2022. Cette année-là, la compagnie britannique P&O avait en effet licencié 800 marins britanniques de la compagnie de ferries pour les remplacer par des personnels étrangers, rémunérés en dessous du salaire minimum national britannique. La société puis le gouvernement se sont emparés de cette problématique. C'est ainsi que le 23 mars 2023 une nouvelle loi est entrée en vigueur au Royaume-Uni, imposant aux navires effectuant des liaisons régulières avec le pays, autrement dit aux marins qui entrent régulièrement dans les eaux britanniques, d'être payés au moins le salaire minimum (10,42£ à partir d'avril 2023). 

 En France, dans le même temps, le député Dider LE GAC, auteur de la proposition de loi adoptée à l'Assemblée nationale le 28 mars, a alerté les autorités nationales et fait état de dégradation des conditions de travail à bord des navires de transport de passagers, notamment dans La Manche. En effet, depuis plusieurs mois, le Transmanche fait l'objet d'un dumping social important qui voit des marins avec un important niveau d'expertise remplacés par des marins moins expérimentés et moins rémunérés, créant par ailleurs un risque important pour la sécurité maritime.  

L'objectif de cette proposition de loi est de garantir les conditions d'une concurrence équitable dans le secteur du transport maritime de passagers, notamment dans les liaisons sur le trans manche.

3. Contenu de la proposition de loi

La proposition de loi déposée par le Député Didier LE GAC contient deux dispositions 

Article 1er : Introduction d'un salaire minimal pour tous les salariés, y compris les travailleurs étrangers, travaillant sur les navires de passagers, pour les lignes régulières internationales touchant un port français. Pour pouvoir être imposé aux contrats de travails concernés, l'article propose d'adopter une "loi de police". Ces dernières sont prévues par la législation européenne pour assurer à un pays le respect des dispositions jugées cruciales pour la préservation de ses intérêts fondamentaux, y compris de ce fait les intérêts économiques. Compte-tenu de l'importante main d'oeuvre à laquelle le secteur des transports maritime a recours il est très sensible aux variations des coûts salariaux entre entreprises. 

Article 2 : Création d'une sanction pénale lorsque les marins de ces navires résidants à l'étranger ne disposent pas d'un certificat médical conforme aux normes internationales

4. Contenu de la loi

Examen en commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale 

Article 1er : Lors de l'examen en commission, un amendement du rapporteur, Didier LE GAC, a été adopté prévoyant une durée de repos à terre au moins équivalente à la durée de l'embarquement pour les salariés de ces navires. 

Un sous-amendement des députés Sébastien Jumel et Yannick Monnet y a ajouté un régime de sanction en cas de non-respect de ce temps de repos. 

Articles 3 et 4 : A l'initiative des mêmes députés, deux articles additionnels de remise de rapport visant à limiter le dumping social dans le travail maritime ont aussi été votés en commission. 

  • Un rapport sur l'état des pratiques assimilables au dumping social sur les lignes régulières de ferries au sein de l'Union européenne ;
  • Un rapport sur les besoins humains et financiers de l'inspection du travail maritime. 

Examen en séance de l'Assemblée nationale 

L'adoption de plusieurs amendements a permis l'ajout de nouveaux articles permettant de renforcer la lutte contre le dumping social, notamment par un renforcement du dispositif de contrôle et de sanctions pénales. Les députés ont ainsi durci ces sanctions prévues en cas de récidive de l'armateur au bout de la troisième infraction qui peut alors se voir interdire d'accoster dans un port français. Ils ont par ailleurs introduit des sanctions administratives en cas de manquement au salaire minimum et à l'organisation du travail (article 1 ter). 

La proposition de loi a été adoptée à l'unanimité par les députés le 28 mars 2023. 

Texte sorti de l'Assemblée nationale

Article 1er : 

  • Application du salaire minimum français aux équipages de toute les compagnies maritimes, quel que soit le pavillon, qui assurent des liaisons régulières internationales de passagers et qui touchent un port français. La mesure sera précisée par un décret en Conseil d'Etat qui fixera notamment les lignes concernées. 
  • Instauration d'une durée de repose à terre au Mons équivalente à la durée d'embarquement des marins dans l'intérêt de la sécurité de la navigation et de la lutte contre les pollutions marines. un décret en Conseil d'Etat doit déterminer la durée maximale de cet embarquement. 
  • Instauration des sanctions pénales en cas de non respect de ces dispositions (amende de 7 500 euros et interdiction d'accoster dans un port français en cas de réitération - 3 fois). 
  • Instauration de sanctions administratives en cas de non respect de ces dispositions. 

Article 1 bis : Augmentation du quantum des peines prévues en cas de non-respect de l'obligation de paiement du salaire minimum légal et conventionnel français afin qu'il soit dissuasif et à la hauteur du risque de violation de l'obligation de paiement du salaire minimum légal lié à l'internationalisation du secteur et à l'articulation des différents droits nationaux. 

Article 1 ter : Permettre au directeur régional des entreprises; de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de prononcer des sanctions administratives. L'objectif est ainsi de renforcer le dispositif du contrôle de l'Etat d'accueil qui ne dispose jusque là que des sanctions pénales prévues par le code des transports ainsi que par le code du travail. 

Article 2 : Création d'une sanction pénale lorsque les marins de ces navires résidant à l'étranger ne disposent pas d'un certificat médical conforme aux normes internationales. 

Article 3 : Demande de rapport sur l'état des pratiques assimilables au dumping social sur les lignes régulières de ferries au sein de l'Union européenne.  

Article 4 : Demande de rapport sur les besoins humains et financiers de l'inspection du travail maritime. 


Texte du Sénat

Le Sénat a eu à son tour à se pencher sur ce texte et y a apporté quelques modifications :

Article 1er : 

  • Extension de la sanction en cas d'absence de certificat d'aptitude valide aux marins, étant entendu que les salariés travaillant sur les bateaux ne sont pas des marins. 
  • Afin de permettre aux employeurs de bénéficier d'une certaine marge de visibilité et d'éviter que le texte ne soit applicable sans avertissement, le Sénat a ajouté un alinéa à l'article précisant ainsi que les sanctions administratives n'entreraient en vigueur qu'au 1er janvier 2024
Articles 3 et 4 supprimés. Ces deux articles avaient été ajouté en commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale et correspondaient à deux demandes de rapport visant à limiter le dumping social dans le travail maritime. 


5. Où en est-on ?

La proposition de loi a été enregistrée à l'assemblée nationale. Après avoir été débattue en commission des affaires sociales le 22 mars. Elle a ensuite été débattue en séance publique les 27 et 28 mars et a alors été adoptée à l'unanimité. 

Poursuivant la navette parlementaire, elle a été débattue en commission des affaires sociales du Sénat puis en séance publique loi elle a été adoptée. 

Elle revient pour une deuxième lecture à l'Assemblée nationale pour être débattue en commission le 12 juillet et en séance le 19 juillet, avant la fin de la session parlementaire de cette année.