1. Pourquoi ce projet de loi ?
Le numérique est un espace tenant une place importante dans le fonctionnement de notre société, de nos relations sociales, de notre apprentissage et de notre ouverture au monde. Son avènement a permis de briser les frontières, de démocratiser l'accès à une quantité impressionnante d'informations. Or, cet espace possède autant de vertus que de vices. Ces derniers sont malheureusement d'une grande violence, destructeurs et révèlent être une menace pour notre société.
Ce projet de loi est une avancée supplémentaire dans la lutte contre les dérives de l'espace numérique, qui ne cessent d'évoluer au gré des innovations technologiques.
Le constat est aujourd'hui alarmant avec un accès illimité aux sites pornographiques dès le plus jeune âge, le développement d'une cybercriminalité, la diffusion d'informations erronées, le vol de données personnelles.
De fait, l'État doit veiller à protéger les internautes, accompagner la transition, défendre sa souveraineté et sécuriser cet espace numérique. Cette ambition doit se traduire à l'échelle nationale et européenne. En mai et août 2023, deux grands textes de régulation sont entrée en vigueur après leur adoption par le Parlement européen : le Digital Market Act (DMA) et le Digital Service Act (DSA). Ils visent à lutter contre les contenus illicites en ligne et le quasi monopole des géants du numérique. Pour bénéficier d'Internet, le passage par des acteurs du numérique tels que Google, Apple, Facebook, Amazon, Twitter est devenu une obligation positionnant ces entreprises au sommet de leur hégémonie. Cette dépendance tronque notre utilisation des réseaux sociaux et leur donne une influence sans précédente. Le DMA vise à encadrer la pratique économique de ces acteurs tandis que le DSA se concentre davantage sur les contenus et produits illicites.
Ces deux textes sont des avancées importantes et imposent un nouveau cadre qui doit maintenant être mis en oeuvre au niveau national. C'est un des objectifs majeurs de ce projet de loi.
2. Quelles sont les évolutions proposées ?
Le Gouvernement souhaite apporter des modifications et des améliorations quant aux techniques de lutte contre les dérives en ligne. Pour assurer une meilleure protection des publics plus vulnérables, le projet de loi tend à améliorer la procédure judiciaire en matière de lutte contre les sites pornographiques qui ne protègent pas suffisamment les mineurs. L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) se voit confier la compétence d'élaborer un référentiel général déterminant les exigences techniques auxquelles devraient répondre les systèmes de vérification d'âge tout en respectant la vie privée des utilisateurs. L'Arcom disposera d'un pouvoir de mise en demeure et de sanction pécuniaire à l'encontre des éditeurs de sites pornographiques. À cela, s'ajoute en parallèle, la mise ne placé d'une sanction pénale applicable aux hébergeurs, lorsqu'un contenu illicite n'est pas retiré sous 24h.
La lutte contre les contenus illicites concerne également la désinformation : les sites relayant la propagande étrangère seront bloqués sous peine de sanction.
Le projet de loi crée une peine complémentaire de "bannissement" des réseaux sociaux à l'occasion d'une condamnation pénale pour certains délits comme l'exploitation sexuelle de mineurs en ligne, le négationnisme, le harcèlement sexuel, y compris le harcèlement scolaire.
Je me réjouis qu'un nouvel outil soit à la disposition du juge pour lutter contre le harcèlement scolaire. Je resterai particulièrement vigilant sur ce point lors des discussions en commission et en séance publique. Lors de l'examen en commission spéciale au Sénat, les sénateurs ont jugé qu'il était nécessaire d'aller plus loins que le dispositif proposé pour faire du bannissement une sanction réellement efficace. Il a donc étendu la liste des délits pour lesquels cette peine complémentaire sera encourue pour y intégrer des délits "voisins". Également, il a fait de cette sanction une obligation susceptible d'être imposée dans le cadre des alternatives aux poursuites.
À cela, s'ajoute un amendement adopté en séance publique au Sénat qui vise à créer un délit d'outrage en ligne, inspiré de l'outrage sexiste et sexuel, qui pourra faire l'objet d'une sanction immédiate par le biais d'une amende forfaitaire délictuelle.
Les actes malveillants, comme les arnaques et les escroqueries, tiennent une place importante également dans le texte de loi. Un nouveau "filtre" national sera créée permettant l'affichage d'un message d'avertissement à destination des internautes qui se connectent à des sites frauduleux, puis ordonner le blocage des sites.
Pour mieux favoriser notre souveraineté numérique face à des géants du numérique étrangers, le texte de loi prévoit plusieurs mesures pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles, soutenir l'innovation et anticiper le développement du marché de l'intermédiaire des données. L'Union européenne anticipe une augmentation de 530% du volume mondial des données en sept ans. Cette expansion est prometteuse pour l'activité française.
Les articles suivants permettent de donner davantage de compétences à l'Arcep, qui aura la responsabilité de réguler le nouveau marché d'intermédiation des données créé par le règlement européen de la gouvernance des données.
3. Où en est-on ?
Le projet de loi a été examiné par le Sénat après la mise en place d'une commission spéciale rassemblant des membres de toutes les commissions permanentes. Le texte, modifié par 80 amendements, a été adopté par la commission le 27 juin 2023 . Le 5 juillet, l'ensemble des sénateurs ont adopté le texte à l'unanimité. Il sera examiné en commission spéciale puis en séance publiques par l'Assemblée nationale à partir d'octobre 2023.