1. Pourquoi cette loi ?
Ce texte s'inscrit dans la droite ligne des textes EGALIM I et EGALIM II de la précédente législature, votés respectivement en 2018 et 2021. Ces lois visaient à rééquilibrer les rapports de force entre les différents acteurs et intermédiaires de la chaine de valeur agricole et alimentaire, avec pour principal objectif d'assurer une plus juste rémunération pour leur travail.
L'objectif de cette loi aujourd'hui est de sécuriser les chaines d'approvisionnement, dans le contexte inflationniste actuel et de parfaire les conditions de transparence des négociations commerciales. Le texte propose en particulier de corriger le déséquilibre dans les relations commerciales entre les industriels de l'agroalimentaire et les enseignes de la grande distribution. En effet, chaque année, des box de négociations réunissent industriels et enseignes afin de définir le juste prix des produits, le montant des commandes et des ristournes éventuelles.
Or, selon l'auteur du texte présenté aux députés il existe aujourd'hui un vide juridique lorsque ces négociations annuelles échouent. Aujourd'hui, sans accord entre les parties après la date butoir du 1er mars, les fournisseurs sont tenus de livrer les distributeurs aux conditions de l'année précédente, pendant plusieurs mois, quand bien même leurs coûts de production aient pu augmenter.
2. Que contient cette proposition de loi ?
Le texte présente quatre dispositions :
Article 1 : Inscription dans la loi de la supériorité des règles juridiques françaises en termes de négociations commerciales : elles s'appliquent et priment systématiquement dès lors que le produit concerné est commercialisé en France, pour lutter contre "l'évasion juridique" ;
Article 2 : Prolongation jusqu'en 2026 de l'encadrement du seuil de revente à perte (SRP) et des promotions (dispositifs issus d'EGALIM I). Cette prolongation du SRP va obliger les distributeurs à revendre leurs produits alimentaires au minimum au prix où ils les ont acheté, avec une majoration de 10%. A charge chaque année au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport d'évaluation sur l'efficacité de l'expérimentation afin de contrôler la bonne répartition de la valeur à l'intérieur de chaque filière.
L'objectif de ces deux mesures est de garantir de meilleurs revenus aux agriculteurs.
Article 3 : Expérimenter pendant 2 ans un nouveau dispositif en cas d'échec de la négociation à la fin du cycle, c'est-à-dire le 1er mars. Dans un tel cas, l'enseigne de distribution et le fournisseur auront un nouveau délai d'un mois pour s'entendre soit sur un préavis de rupture commerciale soit sur un nouveau contrat, sous l'égide du médiateur des relations commerciales et agricoles. Durant ce délai, le tarif précédent est prolongé. En tout état de cause, faute d'accord à la fin du délai d'un mois, la relation commerciale entre l'enseigne de distribution et le fournisseur sera rompu.
Le gouvernement devra remettre au Parlement un rapport d'évaluation sur l'opportunité de pérenniser ce nouveau dispositif à la fin de son expérimentation ;
Article 4 : Evolution du mécanisme de transparence, à savoir faire intervenir le tiers indépendant pour attester de la non-négociabilité de la part de matière premières agricoles dans les produits avant la conclusion du contrat (et non après comme le prévoit le droit actuel).
3. Quelles sont les évolutions ?
L'examen de ce texte en commission puis séance a permis de l'enrichir grâce aux amendements de différents députés et notamment grâce à l'adoption de plusieurs amendements de députés Démocrates.
En commission, l'amendement adopté a permis d'instituer un plafond quant aux pénalités logistiques que l'entreprise de grande distribution peut infliger aux entreprises fournisseurs. Il est ainsi institué un plafond de 2% de la valeur des produits commandés. En tout état de cause, le texte adopté précise que les pénalités pourront être suspendues par le gouvernement en cas de crise grave sur la chaîne d'approvisionnement.
En séance, l'adoption du premier amendement permet de renforcer l'amende administrative sanctionnant le dépassement de la date butoir du 1er mars de chaque année dans le cadre des négociations commerciales. Désormais, les amendes s'élèvent à un million d'euros pour les personnes morales et 200 000 euros pour les personnes physiques. L'objectif ainsi est de mettre fin à la pratique des enseignes de la grande distribution qui consiste à faire pression sur les fournisseurs quelques jours, voir parfois quelques heures avant la date butoir du 1er mars.
L'adoption du second amendement permet d'imposer à chaque fournisseur de communiquer au plus tard le 31 décembre de chaque année au directeur général de la concurrence, de la consommation, de la répression et des fraudes (DGCCRF) les montants qu'il a réellement versé à chacun de ses distributeurs au titre des pénalités logistique lors de l'année précédente. L'objectif ainsi est de lutter contre les dérives importantes des pénalités logistiques que peut imposer une enseigne à une entreprise. En effet, de trop nombreuses enseignes profitaient de ces pénalités pour effectuer une sorte de nouvelle remises les tarifs négociés allant au-delà de la simple réparation d'un manquement à une obligation contractuelle. Ainsi, pour mettre en avant les montants exagérés exigés par les enseignes aux entreprises, il faut promouvoir la transparence des sommes demandées et perçues au titre de ces pénalités logistiques.
4. Où en est-on ?
Le texte a été adopté à l'unanimité des députés votants le 18 janvier 2023 avec 111 voix pour.
La proposition de loi a été discutée par la commission des affaires économiques du Sénat. Elle doit désormais être discutée en séance.