1. Pourquoi cette proposition de loi ?
En 2020, le Gouvernement avait engagé une réforme visant à procéder à un regroupement des différentes entités de l'audiovisuel public, afin d'en renforcer sa qualité et la fiabilité de l'information. Stoppée par la crise sanitaire, l'idée d'un regroupement est à nouveau au coeur de l'actualité avec le dépôt d'une proposition de loi du sénateur Laurent Lafon le 23 avril 2023, adoptée le 13 juin 2023. La PPL est examinée en commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale le 14 et 15 mai 2024.
Si le regroupement des entreprises de l'audiovisuel public peut faire l'objet d'un consensus par les acteurs, des divergences existent quant à la forme du regroupement et son calendrier. À cela s'ajoute, la volonté de la ministre de la Culture, Rachida Dati, d'aller encore plus loin en proposant une holding France Médias renforcée par une présidence générale exécutive et une fusion à échéance 2026.
Avec le groupe Démocrate, je partage quelques réserves relatives à ce texte.
2. Que contient cette proposition de loi ?
Le texte propose de créer une société holding France Médias composée de quatre filiales dont elle détiendrait la totalité du capital et définirait les orientations stratégiques. Il en fixe les règles de gouvernance. La PPL prévoit aussi une révision de la loi du 30 septembre 1986 avec l’extension de l'obligation faite aux chaînes payantes de céder à des services de télévision en accès libre, certains droits relatifs à des événements sportifs d'importance majeure où la hausse des prix des droits a pour effet d'accélérer leur diffusion le plus souvent exclusive sur des plateformes payantes. Enfin, le texte incite les chaînes de l’audiovisuel public à investir davantage dans des productions de qualité susceptibles d'être exportées et de participer au rayonnement de la création française à l’étranger.
Pour autant, des différences existent encore sur le rythme et la forme de ce regroupement. Du côté de l’audiovisuel public lui-même, auditionnée par la commission culture en 2022, la présidente de Radio France Sibyle Veil avait déclaré que sa conviction était qu'il fallait « aller vers une structure agile, de manière à faciliter le partage des stratégies et le travail des équipes engagées dans la coopération ». Elle opte ainsi pour la structure qui respecterait le plus les spécificités des différents médias.
A contrario, la présidente de France Télévisions avait estimé au printemps dernier en audition au Sénat que « la fusion des sociétés de l'audiovisuel public d'ici la fin du quinquennat (était) le projet de rupture le plus ambitieux pour l'audiovisuel public ». Marie-Christine Saragosse, à FMM, et Laurent Vallet, à l’INA, n’ont pas tenu de propos publics en ce sens. Du côté des salariés, les rapprochements ont toujours suscité de la méfiance, sinon du rejet.
Cette réforme suscite de la défiance auprès des salariés de ces sociétés, notamment en termes de budget et de statut.
3. Pourquoi sommes-nous opposés à l'intégration de France Médias Monde dans la fusion ?
Il s'agit d'exclure France Médias Monde de la réforme de l'audiovisuel public, à la fois dans la future holding et dans l'entité unique qui adviendra de la fusion, en 2026.
Si FMM était intégrée à la future entité, il est possible que cela entraine un appauvrissement de la position du groupe. Elle ne disposerait plus de la même latitude financière pour mener ses projets, ce qui serait préjudiciable pour le rayonnement français. Aujourd’hui, FMM représente 7% du budget de l’audiovisuel public et vise un public différent des chaînes et radios nationales. Le groupe international travaille pour développer plusieurs nouveaux projets notamment en Afrique, financés par l’aide publique au développement.
Ainsi de par ses spécificités en termes de missions et de publics, intégrer FMM n’aurait aucun sens, à l’image de TV5 et Arte, qui ne font pas partis du projet.
De plus, certains exemples internationaux montrent qu’une telle intégration est une erreur : l’année dernière, les chaînes BBC News et BBC World News ont été fusionnées. Résultat : la couverture médiatique est maintenant davantage axée sur les informations britanniques et nationales et la chaîne a connu une perte d’audition de 10%.
En d’autres termes, intégrer FMM revient à se méprendre sur les raisons de l’existence de ce groupe : Avec des programmes existants en 21 langues, FMM s’adresse à un public large, diffuse des informations de manières indépendantes et tournées vers le rayonnement international de la France. Une intégration irait à l’encontre de son indépendance et marginaliserait le travail et l’impact international de l’audiovisuel public français.
4. Où en est-on ?
La proposition de loi a été examinée en commission des affaires culturelles et de l'éducation mardi 14 et mercredi 15 mai 2024 et adopté par les commissaires. Les députés Démocrates n'ont pas voté en faveur de ce texte en l'état.
La PPL est examinée en séance publique la semaine du 20 mai 2024.