1. Pourquoi ces propositions de loi ?
En France, le cadre juridique en vigueur concernant la fin de vie est issu de la loi du 2 février 2016, dite "Claeys-Leonetti", qui a notamment reconnu le droit à une fin de vie digne et au meilleur accompagnement possible face à la souffrance.
Cette loi a aussi autorisé la sédation profonde et continue jusqu'au décès, associée à l'arrêt des traitements de maintien en vie (dont l'hydratation et la nutrition), pour les personnes souffrants d'une affection grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé à court terme (quelques jours ou quelques heures) et subissant des souffrances réfractaires aux traitements.
Ces dernières années, de nombreux pays occidentaux ont légiféré sur une forme d'aide à mourir. Certains pays ont légalisé l'euthanasie, soit l'administration d'une substance létale par un soignant. C'est le cas des Pays-bas et de la Belgique en 2022, du Luxembourg en 2009, de la Colombie en 2015, du Canada en 2016, de l'Espagne en 2021, de l'Italie via une décision de la Cour constitutionnelle, du Portugal en 2023. En 2024, la chambre des communes du Royaume-Uni a adopté en première lecture une loi sur l'aide à mourir. D'autres pays ont quant à eux légalisé le suicide assisté, soit le patient qui prend lui-même la substance létale avec assistance médicale. C'est le cas de la Suisse, de l'Australie dans 5 Etats, de la Nouvelle-Zélande, de l'Allemagne (dépénalisation en 2020 par une décision de la Cour constitutionnelle), de l'Autriche, des Etats-Unis (dans 11 Etats) et la région de la Toscane en février dernier.
Lors de la campagne présidentielle de 2022, le président de la République a annoncé sa volonté de faire évoluer le cadre juridique concernant la fin de vie.
La Convention citoyenne sur la fin de vie, composée de 184 citoyens tirés au sort et illustrant la diversité de la société française, a ensuite été chargée par la Première ministre de l'époque de répondre à la question suivante : "le cadre de l'accompagnement de fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d'éventuels changements devraient-ils être introduits ? ". En avril 2024, les trois quarts se sont prononcés pour un accès à une aide à mourir. Ils ont en effet estimé que le cadre actuel d'accompagnement n'était pas adapté aux différentes situations rencontrées. Deux raisons principales ont ainsi été identifiées par la Convention : les inégalités d'accès à l'accompagnement de fin de vie et l'absence de réponses satisfaisantes à certaines situations.
Le comité national consultatif d'éthique (CCNE) a pour sa part fait état de deux demandes sociétales fortes dans un avis de septembre 2022 : l'une visant à accéder de manière satisfaisante aux soins palliatifs et l'autre à pouvoir décider de sa mort.
Un projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie a été présenté à l'Assemblée nationale par le gouvernement de Gabreil Attal au printemps 2024. Il avait été débattu par une commission spéciale au sein de l'Assemblée mais les débats en hémicycle ont été stoppés par la dissolution.
Après sa nomination, le Premier ministre François Bayrou a annoncé que la discussion du projet de loi initial serait poursuivie sous la forme de deux textes qui ont fait l'objet d'une discussion commune et de deux votes solennels concomitants. Olivier Falorni, alors rapporteur général du projet de loi du gouvernement a alors déposé deux propositions de loi reprenant à l'identique le projet de loi tel qu'adopté par la commission spéciale et modifié par les amendements adoptés en séance public afin d'être fidèle aux différentes évolutions du textes lors des débats. Notre Assemblée a ainsi débattu de deux textes relatifs l'un aux soins palliatifs et l'autre au droit à l'aide à mourir.
2. Que contiennent ces propositions de loi ?
Proposition de loi relative à l'accompagnement et aux soins palliatifs
Article 1er : Définition de l'accompagnement et des soins palliatifs
- d'apporter une réponse aux besoins physiques, psychiques, psychologiques et sociaux ;
- de proposer des soins palliatifs ;
- d'accompagner l'entourage de la personne malade en lui procurant le soutien psychologique et social nécessaire, y compris après le décès de la personne malade ;
- d'accompagner la rédaction des directives anticipées si la personne le souhaite.
- Permettre un accès plus juste aux oins d'accompagnement ;
- Mobiliser les territoires et la société ;
- Développer la recherche et la formation.
- Les équipes mobiles de soins palliatifs sont des équipes pluridisciplinaires, rattachées à un établissement de santé. Elles viennent en conseil et soutien des soignants qui prennent en charge des patients en fin de vie dans d'autres services.
- Les équipes mobiles gériatriques sont des équipes pluridisciplinaires qui interviennent dans les services ce l'hôpital et chez les partenaires extra-hospitaliers qui font appel à elles. Leur mission consiste à améliorer la prise en charge globale de la personne âgée fragile.
- En cas d'urgence vitale ;
- Lorsque les rétives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale.
- une équipe médicale pluridisciplinaire participe nécessairement à la procédure de sédation ;
- le patient donne son accord préalable dans ses directives anticipées à la participation de la personne de confiance et de la famille à la décision collégiale d'une sédation profonde et continue jusqu'au décès.
Proposition de loi relative à l'aide à mourir
- L'existence d'une affection grave et incurable
- L'engagement du pronostic vital à court terme
- L'existence d'une souffrance réfractaire au traitement ou insupportable selon les cas.
- Majorité : ce seuil de 18 ans permet d'écarter toute ambiguïté sur les mineurs ou les mineurs émancipés
- Nationalité française ou résidence stable et régulière
- Patient atteint d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, engageant son pronostic vital en phase avancée, caractérisée par l'entrée dans un processus irréversible marqué par l'aggravation de l'état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie, ou terminale
- Patient présentant une souffrance physique ou psychologique constante liée à cette affection qui est soit réfractaire aux traitements ou insupportable lorsqu'il ne reçoit pas ou a choisi d'arrêter de recevoir des traitements. Une souffrance psychologique seule ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l'aide à mourir.
- Patient capable de manifester sa volonté livre et éclairée.
- Informer la personne sur son état de santé, ses perspectives d'évolution et les accompagnements possibles
- Informer celle-ci qu'elle peut bénéficier des soins palliatifs et d'accompagnement et "s'assurer, si la personne le souhaite, qu'elle y ait accès de manière effective".
- Proposer une orientation vers un psychologue clinicien ou un psychiatre (y compris pour les proches)
- Indiquer qu'il 'est possible de renoncer à tout moment à ce la demande
- Expliquer les conditions d'accès et de mise en oeuvre de l'aide à mourir.
- ETAPE 1 : Vérification des conditions d'éligibilité de la personne et examen médical par le médecin ;
- ETAPE 2 : Réunion de plusieurs professionnels de santé (médecin spécialiste de la pathologie, auxiliaire médical, psychologue, infirmier). L'avis de la personne de confiance peut également être recherché ;
- ETAPE 3 : Rendu de la décision sous 15 jours ;
- ETAPE 4 : Confirmation de la demande par le patient après un délai de réflexion d'au moins 2 jours ;
- ETAPE 5 : Détermination avec le patient des modalités d'administration de la substance létale ;
- ETAPE 6 : Prescription de la substance à une pharmacie d'hôpital ou d'un établissement médico-social.
- Droit de convenir de la date d'administration de la substance létale ;
- Droit d'être accompagné des personnes de son choix ;
- Droit d'effectuer l'administration en dehors de son domicile, à l'exception des voies et espaces publics.
- La personne informe le médecin chargée de l'accompagner ou tout professionnel de santé engagé dans la procédure qu'elle renonce à l'aide à mourir ;
- Le médecin chargé d'examiner la demande prend connaissance, postérieurement à sa décision, d'éléments d'information le conduisant à considérer que les conditions d'éligibilité ou d'examen de la demande n'étaient pas remplies ou cessent de l'être ;
- La personne refuse l'administration de la substance létale.
- Garantir la traçabilité des différentes étapes de la procédure d'aide à mourir ;
- Permettre une identification des actes afférents à la procédure qui ne seraient pas conformes aux dispositions, et le cas échéant saisir la chambre disciplinaire de l'ordre compétent ;
- Rendre possible une évaluation du dispositif afin d'informer annuellement le Gouvernement et Parlement et formuler des recommandations ;
- Permettre le recensement des professionnels de santé disposés à mettre en oeuvre l'aide à mourir, lequel sera accessible aux seuls médecins.
3. En résumé !
La proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir définit le droit à mourir comme une faculté, donnée à une personne qui en fait la demande d’éligibilité, de s’auto-administrer une substance létale ou que cette substance lui soit administrée par un professionnel de santé (médecin ou infirmier).
Pour cela, la personne doit remplir cinq conditions :
- Être majeure : ce seuil de 18 ans permet d’écarter toute ambiguïté sur les mineurs ou les mineurs émancipés, tous deux exclus du dispositif ;
- Être de nationalité française ou en résidence stable et régulière ;
- Être atteinte d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, engageant son pronostic vital en phase avancée, caractérisée par l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie, ou terminale ;
- Présenter une souffrance physique ou psychologique constante liée à cette affection qui est soit réfractaire aux traitements ou insupportable lorsqu’il ne reçoit pas ou a choisi de d’arrêter de recevoir les traitements. Une souffrance psychologique seule ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir ;
- Être capable de manifester sa volonté libre et éclairée.
Ces conditions s’inscrivent dans le cadre d’une procédure d’évaluation médicale précise conciliant plusieurs impératifs : la collégialité de la décision médicale, la vérification du caractère libre et éclairé du patient, l’accessibilité de la demande ou encore le respect du délai de réflexion.
Par ailleurs, la personne qui souhaiterait accéder à l’aide à mourir pourrait en faire la demande à un médecin, lequel ne peut pas être un proche ou un ayant droit.
Cinq missions incomberaient au médecin :
- Informer la personne sur son état de santé, ses perspectives d’évolution et les accompagnements possibles ;
- Informer celle-ci qu’elle peut bénéficier des soins palliatifs et d’accompagnement et s’assurer qu’elle y ait accès de manière effective ;
- Proposer une orientation vers un psychologue clinicien ou un psychiatre (y compris pour les proches) ;
- Indiquer qu’il est possible de renoncer à tout moment à la demande ;
- Expliquer les conditions d’accès et de mise en œuvre de l’aide à mourir.
Le texte contient par ailleurs une clause de conscience spécifique, assortie d'une obligation pour le professionnel qui l'exprime, d'orienter la personne qui le sollicite vers un autre professionnel disposé à pratiquer à l'aide à mourir.
Ce texte, couplé à la stratégie décennale a vocation à protéger et accompagner tout à chacun, quel que soit son choix. Ainsi, pour les patients bénéficiant d’un accompagnement et de soins palliatifs, ceux-ci seraient entendus comme allant au-delà des besoins strictement médicaux, en mettant en œuvre, à la demande de la personne, « une prise en charge globale » d’elle-même et de ses proches « afin de préserver sa dignité, sa qualité de vie, son bien-être et son autonomie ». Par ailleurs, dès l’annonce du diagnostic d’une affection grave, un plan personnalisé d’accompagnement serait proposé au patient par un professionnel de santé. Ce plan vise à l’anticipation, à la coordination, au suivi de diverses prises en charge (sanitaire, psychologique, sociale, médico-sociale et de la douleur) ainsi qu’à la possibilité de rédiger ou réviser ses directives anticipées. Pour que cela puisse être effectif, il est ainsi prévu une hausse de 66% des moyens dédiés aux soins d’accompagnement entre 2022 et 2034, soit une augmentation de la dépense publique y étant consacrée de 1,6 milliards d’euros à 2,2 milliards d’euros. Cette stratégie s’appuie sur trois objectifs :
- Permettre un accès plus juste aux soins d’accompagnement ;
- Mobiliser les territoires et la société ;
- Développer la recherche et la formation.
4. Où en est-on ?
La proposition de loi relatives à l'accompagnement et aux soins palliatifs a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale et la proposition de loi relative au droit à l'aide à mourir a été adoptée avec 305 voix pour et 199 voix contre le 27 mai 2025.
Les deux textes ont été déposés le même jour au Sénat qui doit en débattre en commission puis en séance à l'automne prochain.
La procédure accélérée n'ayant pas été enclenchée par le Gouvernement, le texte fera la navette parlementaire classique et reviendra sur les bancs de l'Assemblée après avoir été adopté par le Sénat.