Carnet de Bord

Adoption du moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins

Mardi 17 janvier, les députés ont voté majoritairement pour un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins. C'est une avancée historique et un symbole important qui est lancé au reste de la communauté internationale : ce vote renforce les propos tenus par le Président de la République, Emmanuel Macron, le 7 novembre 2022 lors de la COP27. 

Le Président de la République a annoncé que la France allait se positionner pour une interdiction complète de l’exploitation des fonds marins. Quelques jours plus tard, l'ambassadeur français à l’AIFM a déclaré cette fois-ci, que la France rejoignait la coalition des pays qui demandent un moratoire. Aujourd’hui, nous sommes 12 pays, au sein de l’AIFM, à être positionnés pour une interdiction de l’exploitation minière marine.

Historique 

Le 27 juin 2022 s’est ouvert la Conférence des Nations Unies sur l’Océan. L’objectif de cette 2e conférence sur l’océan est de trouver des solutions à l’échelle internationale pour lutter contre la destruction des espaces maritimes, l’acidification des océans et pour le développement d’aires marines protégées et le partage des connaissances scientifiques. 

Les fonds marins sont un sujet central des discussions en raison du peu de connaissances sur le sujet et des enjeux économiques qui en découlent. Les fonds marins regorgent de minerais rares, particulièrement utiles pour la fabrication d’outils technologiques . Enfouies entre 400 et 600 mètres de profondeurs, de précieuses ressources comme du cuivre, du cobalt et aussi des métaux précieux et rares, forment la richesse des fonds marins et font l’objet de nombreuses convoitises. Ces matières sont aussi particulièrement utiles pour l’industrie verte (photovoltaïques, éolien,..), créant ainsi une demande internationale qui ne cesse de croître. Dans un rapport sur la stratégie nationale d’exploration et d’exploitation des ressources minérales dans les grands fonds marins , remis au gouvernement en janvier 2021, Jean-Louis Levet explique que « la consommation mondiale de matières premières passera de 85 milliards à environ 180 milliards de tonnes » en 2050-2060. L’exploitation n’a pas commencé mais des permis d’exploration des fonds marins ont déjà été donnés par l’AIFM, l’Autorité Internationale des Fonds Marins, qui réunit, en autres, la France, l’Allemagne, la Russie, la Chine, la Corée, le Royaume-Uni. 
Aujourd’hui, 30 permis ont déjà été délivrés. L’objectif final étant l’exploration des fonds marins. La France dispose de deux permis d’exploration délivrés par l’Autorité internationale des fonds marins. 

L’AIFM a été créée en 1994 par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. Composée de 168 membres, sa mission est d’organiser et de contrôler toutes les activités liées aux minéraux dans la « zone », à savoir les eaux internationales. En 1970, l’AG des Nations unies désignait les ressources minérales des fonds marins, comme « le patrimoine commun de l’humanité » . 

Ainsi, aujourd’hui l’exploitation commerciale de ses fonds devrait être réalisable en contrepartie d’une redevance partagée avec les états en développement qui ne pourront se lancer dans l’exploration et l’exploitation. De plus, les entreprises souhaitant participer à ce projet doivent être parrainées par des pays. De fait, les Etats insulaires sont particulièrement sollicités et certains pays, comme la République de Kiribati, celle de Nauru et le Royaume de Tonga ont déclaré être partantes pour ce projet. 
Plusieurs associations, ONG ou encore l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) demandent un moratoire sur l’exploitation des fonds en eaux profonds et sur la délivrance des permis d’exploration et d’exploitation des fonds marins sachant qu'Il n’existe aucun code minier sur l’exploitation des fonds marins. Ainsi, il n’y a aucune garantie, ni contrôle sur cette future exploitation. Or, nous ne savons pas faire de l’exploitation durable des fonds marins. La République de Nauru, particulièrement en faveur de l’exploitation des fonds marins, a instauré une clause pour autoriser cette exploitation. 

Si d’ici juillet 2023, aucun moratoire n’est signé, ni aucun code minier n’est finalisé, la République de Nauru aura la possibilité de commencer l’exploitation minière, créant un précédent. La France tient un rôle important au sein de l’AIFM et possède un droit de veto. Il est donc essentiel qu’elle se positionne officiellement contre l’exploitation des fonds marins, dans la lignée des propos tenus par le Président de la République à Lisbonne : « Je pense que nous devons élaborer un cadre légal pour mettre un coup d’arrêt à l’exploitation minière des fonds en haute mer et ne pas autoriser de nouvelles activités qui mettraient en danger les écosystèmes [océaniques]. »